Bouty relie Cools à Dutroux
L'EX-AVOCATE AVAIT PLAQUÉ NIHOUL POUR GUFFENS, L'HOMME DE COOLS
« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3
BRUXELLES - Il faut être très clair.
1) À ce stade, il n'existe aucun lien établi entre la bande Dutroux et l'affaire Cools, si ce n'est une simple coïncidence de dates qui veut que les deux dossiers éclatent dans la même période. Ce ne sont as des éléments provenant de 'enquête sur Dutroux & Co, mais des informations séparées recueillies au début de l'été par la cellule Cools, qui ont fait rebondir spectaculairement l'enquête sur le ministre d'Etat assassine en juillet 91.
2) Selon certains confrères, le trafic de voitures - l'un des volets connexes du dossier Dutroux - permettrait de relier l'affaire Cools au monstre de Sars-la-Buissière. Le lien serait De Santis que le juge Connerotte considérait comme l'un des rouages essentiels de l'assassinat d'André Cools dans l'affaire des titres volés et que l'on retrouverait dans la mouvance Dutroux. Nous ne pouvons pas confirmer ces informations. Est-ce à dire qu'aucun lien n'existe ? Rien n'est moins sûr, n'est-ce pas Madame Bouty et Monsieur Nihoul ?
3) C'est tout simplement le couple... Nihoul-Bouty ! Explications ? A la fin des années 70 et au début des années 80, les deux patrons d'alors du PS liégeois, Edmond leburton et surtout André Cools, ont pour projet la construction de deux nouveaux hôpitaux à Fléron et à Alleur. L'un des projets passait par l'expropriation d'un terrain qui fut finalement acquis pour la somme de 57.194.800 F.
C'est ainsi que débuta t'affaire des hôpitaux de l'Est, un dossier terriblement complexe qui a empoisonné la vie liégeoise pendant des années avant de tomber aux oubliettes, effacée par d'autres scandales qui ont surgi en quinze ans dans la Cité ardente.
Cools-Bouty-Nihoul
--Simplifions... en disant que le projet est confié à une asbl Centre médical de l'Est. La paire Cools-le-burton place un certain Jean-Marie Guffens à la tête de l'asbl.
Quand la justice s'en mêlera, le projet ayant capoté, Guffens, poursuivi pour détournement de fonds, devra faire choix d'un avocat. Le choix se portera sur - accrochez-vous ! - une avocate bruxelloise du nom d'Annie Bouty, qui vit à l'époque depuis huit ans avec un certain Michel Nihoul. Le couple Bouty-Nihoul a d'ailleurs deux enfants.
Plus pour longtemps, puisqu'en septembre 1982. Annie Bouty plaque Nihoul et s'installe chez Guffens - l'homme de CooIs – avec qui l'avocate entretient une liaison. Et c'est ainsi, par jalousie de cocu, que le Bruxellois Nihoul a commencé à s'intéresser aux petites affaires André Cools. Au point que, le 19 septembre 1983, Michel Nihoul s'est rendu à la PJ de liège pour dénoncer tout ce qu'il sait sur le scandale des hôpitaux de l'Est.
A la PJ de liège, les tuyaux de Nihoul sont recueillis par les inspecteurs Daniel Botson et Jean-Marie Gehasse, qui les transmettent à une jeune substitute qui fera carrière Mme Anne Thilly !
Car Nihoul sait beaucoup. II révèle notamment que Guffens - l'homme de Cools - l'a chargé de se rendre en Suisse y chercher 140.000 FS sur un compte au Crédit Suisse à Genève. Guffens accusera d'ailleurs Nihoul d'avoir gardé pour lui une partie de l'argent. L'affaire se réglera en justice, Nihoul ayant investi les fonds dans un bar à Bruxelles. L'affaire est ancienne mais pas... tant que ça !
La preuve en est que le comptable de l'asbl des hôpitaux de l'Est en a lui aussi beaucoup voulu à André Cools, a u point que, quatre mois avant d'être assassiné, André Cools qualifiait ce comptable de « fou dangereux ».
Alors, un lien entre l'affaire Dutroux et l'assassinat d'André Cools ? Sur papier, c'est évident qu'il existe. Il est même direct. C'est tout simplement Nihoul Bouty. De là à dire que c'est ce lien troublant qui a joué, c'est une autre paire de manches.
Gilbert Dupont
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Les aveux d’Annie Bouty « J'Al HÉBERGÉ LELIÈVRE À SAINT-GILLES »
« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3
BRUXELLES - Les affaires continuent de ne pas s'arranger pour l'avocate déchue Annie Bouty et son ami, l'homme d'affaires bruxellois Michel Nihoul. Pendant tout le week-end, Nihoul et Bouty, ramenés à Bruxelles, se sont succédé dans les bureaux de la brigade nationale de la police judiciaire.
Les auditions poursuivies jusque dans la soirée de dimanche permettront à Jean-Marc Connerotte, le juge de Neufchâteau, d'encore mieux cerner le rôle exact du couple dans l'affaire Dutroux. L'ex avocate Bouty a été à l'origine des premiers aveux selon lesquels cette personne de 49 ans, qui a elle même plusieurs enfants, admet avoir hébergé pendant dix jours dans son appartement de l'avenue Jaspar, à Saint-Gilles, rien moins que le bras droit de Dutroux, Michel Lelièvre, et ce dans une période chaude, en mai 1995, un mois avant l'enlèvement à Grâce-Hollogne des petites Julie et Mélissa.
Subjuguée par Nihoul
Aux yeux des enquêteurs, ces aveux confirment que la bande Dutroux et le couple Nihoul-Bouty ne forment qu'un. Depuis samedi, Annie Bouty a été entendue jusqu'à dimanche à trois heures du matin. Elle fait pitié. Cette femme donne l'impression d'imaginer encore aujourd'hui qu'elle appartient à la bonne société bruxelloise
et de ne pas imaginer qu'on puisse encore en douter. Elle fait pitié aussi parce que chacune de ses explications fait apparaître qu'elle était entièrement subjuguée par Michel Nihoul, à tous points de vue, y compris sexuels.
Annie Bouty vivait pour satisfaire Nihoul. Le moindre souhait était un ordre. C'est Nihou I, explique-t-elle, qui l'a poussée à commettre des faits répréhensibles. C'est Nihoul, a-t-elle encore déclaré, qui lui a demandé d'héberger Lelièvre un mois à peine avant la disparition des deux petites filles. C'est toujours à la de mande de Nihoul qu'elle a reçu Dutroux et Lelièvre, chez elle, dans son appartement, au neuvième du numéro 99 de l'avenue Jaspar.
«Anomalies »
Nihoul a menti sur toute la ligne. Il prétendait ne plus avoir de contacts depuis des années avec Annie Bouty. Annie Bouty dit que c'est faux. Ils se voyaient chez elle au moins une fois par mois. Souvent, Marlène accompagnait Nihoul. Marlène qui aurait dû se marier prochainement avec un candidat réfugié roumain.
Le week-end a bétonné la piste suivie depuis quinze jours par la PJ: Dutroux-Nihoul, c'est une nébuleuse criminelle structurée spécialisée dans les trafics de cassettes pédophiles, d'autos et de camions ainsi que le rapt, la vente et le meurtre d'enfants.
Dimanche soir, l'interrogatoire de Nihoul se poursuivait 13, rue des Quatre-Bras, à Bruxelles. Rien ne filtrait toutefois, sinon qu'il n'est pas exclu que de nouvelles inculpations viennent aggraver prochainement le cas du sieur Nihoul. Extrait de la prison de Namur, un masque sur les yeux, Nihoul est arrivé hier vers 13 h 45 à Bruxelles, dans une Mercedes blindée escortée elle-même par deux véhicules du Groupe Ata de la 23e brigade. Dans le dernier véhicule, des policiers armés notamment de fusils de guerre M16!
Car les polices craignent l'attentat. Selon des sources confidentielles, des « anomalies » (dont nous ignorons la nature) ont été constatées lors du transfert. Les policiers sont persuadés que tous les membres de la bande ne sont pas arrêtés. De là aussi les mesures spectaculaires prises depuis la semaine passée autour de la cellule d'enquête de Neufchâteau et du domicile privé du juge Connerotte.
A l'avenir, les transferts seront doublés. Au moins quinze superflics armés escorteront chaque détenu.
Gilbert Dupont
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ILS GARDENT ESPOIR
Le courage des Benaissa
« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3
IXELLES - « Nous nous sommes rendus samedi à Hasselt aux funérailles d'An et Eefje parce nous savons la douleur que ressentent les parents. Nous éprouvons la même douleur et avec le recul, nous avons le regret de ne pas avoir été présents déjà, lors des funérailles à Liège de Julie et Mélissa. Les parents le savent, le lecteur le suppose. Ces derniers mois de malheur ont amené les journalistes à se glisser dans la douleur et l'intimité des familles des enfants disparus.
Nous devons dire que nous avons tous découvert des parents comme nous n'imaginions pas qu'il pût en exister, qu'il s'agisse des mamans et des papas d'Elisabeth, de Julie, de Mélissa,d'An et d'Eefje. La tragédie, l'attente, la peine a tissé des liens et parfois des amitiés.
Vous ne devez pas croire que vous avez été les seuls à pleurer lorsque les corps de ces petites filles que nous n'avons jamais rencontrées, mais qui nous sont devenues si proches, ont été exhumés.
Nous, journalistes, sommes aussi des mamans et des papas.
Et nous avons fait une découverte : tous ces gosses avaient des parents dont le courage, la grandeur, la simplicité, la gentillesse nous ont séduits. Que dire alors des parents de Loubna qui ne parlent pas très bien le français, mais trouvent tant d'amour et de tendresse pour nous parler de leur petite fille disparue il y a quatre ans et un mois en allant, pour la première fois, faire des courses toute seule - le mercredi 5 août 1992 - et acheter pour son petit frère deux yaourts à 40 F au grand magasin du quartier ?
Timidité
Voilà pourquoi les parents de Loubna ont voulu que le petit frère, qui a grandi - Ilyas a à présent quatre ans et demi -, assiste aux funérailles d'An et Eefje avec les deux soeurs de Loubna, Nabi a,18 ans, et Najat, 16 ans. « Je ne trouve pas les mots pour décrire l'émotion que nous avons ressentie quand nous avons été applaudis à Hasselt. Nous avons eu chaud au coeur », nous dit le papa, Lahsen, dont le courage nous éblouit quand il nous explique que, depuis quinze ans, il a dû passer quelque chose comme cinq mille nuits, de 22 h à 5 h du matin, à nettoyer des wagons de chemin de fer à la gare de Forest. Le couple a huit enfants.
En août 1992, à la disparition de sa fille, à peine rentré du boulot, Lahsen repartait, roulant dans Bruxelles à la recherche de Loubna.
Seul pendant trois jours, sans l'aide d'un seul policier.
Les Benaïssa ne sont pas du tout méfiants, mais timides. Les médias les effraient. Ils n'osent pas. Ils n'ont pas osé aborder les parents de Julie, de Mélissa, d'An et d'Eefje. « Ils ne nous connaissaient pas. Nous n'avons pas voulu troubler leur douleur. » Mais ils souhaitent entrer en contact... et nous nous sommes permis de communiquer les téléphones utiles, « Depuis qu'on reparle de Loubna, poursuit le papa, nous avons reçu trois cents cartes. Samedi matin, on en a encore trouvé une quinzaine dans la boîte aux lettres. Nous les gardons bien sûr, elles nous font tellement plaisir. On nous écrit de Bruxelles mais aussi de Liège, de Charleroi, d'Anvers, de Gand.
D'autres, surtout des Arabes,nous téléphonent. Nous remercions aussi la gendarmerie qui nous informe deux fois par jour des fouilles rue d u Conseil, à Ixelles. Je garde espoir de retrouver Loubna vivante. Oui, toujours. Ce que nous espérons, c'est de trouver un indice qui permettrait enfin d'avoir un début de piste. En apprenant que cet homme, M. Corvillain, vivait si près de chez nous, nous en avons eu froid dans le dos. Loubna est une petite fille gentille et douce. Sa grande passion, c'étaient ses poupées. Mais non, lors de sa disparition, elle n'avait pas de petit ours en peluche rose...
Gilbert Dupont
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LES CHIENS ET LE RADAR REVIENDRONT MARDI
Rien dans les caves et le jardin
« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3
IXELLES - Le commandant Jacques Guillaume ne se contente pas de diriger la brigade de gendarmerie de Bruxelles. C'est aussi un papa (d'une jeune fille de 21 ans et d'un grand gamin de 6 ans qui, comme tous es papas, comprend parfaitement le tourment qui étreint depuis quatre ans et un mois la famille Benaïssa. Aussi, dimanche en fin d'après-midi, l'officier de gendarmerie a-t-il proposé aux parents de !a petite Loubna de visiter les fouilles réalisées dans les caves et le jardin de la rue du Conseil, 35, à Ixelles, où vivait Roland Corviliain, l'informaticien incarcéré depuis deux mois à Forest pour le viol de plusieurs jeunes filles.
Le papa, Lahsen, son épouse Habiba et l'aînée de leurs huit enfants, Nabella, ont pu ainsi visualiser les travaux effectués à coups de bêche depuis samedi matin. Ils ont été impressionnés. A force de biceps, les terrassiers de la Protection civile ont carrément retiré le plancher du rez-de-chaussée, explique Nabella, heureuse, formidablement heureuse d'apprendre que les craintes n'étaient pas fondées, qu'aucun indice n'a été trouvé au numéro 35 qui permette de dire que sa petite soeur Loubna y ait été séquestrée.
Les travaux sont quasi terminés.
Par acquit de conscience, les chiens-cadavres et le fameux géo radar du Britannique John Benett viendront mardi lever les derniers doutes. La Protection civile a creusé assez profond, là où la terre n'a plus été retournée depuis des dizaines d'années.
Le parquet de Bruxelles devrait se dessaisir du dossier Corvillain ce lundi. Si l'Ixellois n'est pas inculpé dans l'affaire Dutroux, son dossier sera traité à Neufchâteau par le juge Connerotte, avec les Nihoul, Bouty, Lelièvre, Martin, Zicot et consorts !
La disparition de Loubna Benaïssa fait désormais partie des hypothèses de Neufchâteau.
Terrassiers bénévoles
Imaginez le tourment des parents qui habitent à deux pas et ont été vus très longuement rue du Conseil tout au long du week-end. Les enquêteurs vont au plus pressé. Rue du Conseil, les travaux devaient reprendre lundi. Une météo favorable et un calendrier chargé en ont décidé autrement.
La priorité reste : ne pas perdre un jour. Samedi, à 10h30, étaient donnés les premiers coups de pelle.
Simultanément, vingt-deux terrassiers de la Protection civile, tous bénévoles, s'attaquaient au jardin
- retourné à plus de 2 mètres de profondeur -, à un puits - vidé et sondé - et aux deux caves situées en arrière bâtiment, sous la cuisine et une petite cour.
Officiellement, les enquêteurs ont cherché des indices », pas des « corps ». Mais la nuance n'a trompé personne. Pas question d'utiliser des moyens mécaniques. Le muscle remplace la pelleteuse. Des dizaines de mètres cubes de terre et de débris ont été retournés. Les archéologues du DVI (Disaster Victims Identification) ont exhumé de vieux poêles, des jouets datant parfois de dizaines d'années, une machine à laver, un escalier de briques rouges menant à une cave oubliée, etc.Mais rien, aucun début d'indice.
Pendant une heure vingt, samedi,entre 18 h 15 et 19 h 35, la BSR de Bruxelles a ramené sur place Roland Corvillain. L'Ixellois été prié d'expliquer les travaux récents de maçonnerie effectués dans l'immeuble. Il était tout de même curieux de constater que chaque fois qu'on arrive chez un copain de Dutroux, on a creuse dans les caves et le jardin. Mais Corvillain, selon les enquêteurs, a fourni des explications plausibles (des travaux de canalisation dans les caves) qui semblent correspondre effectivement à ce qui a pu être constaté.
Gilbert Dupont
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BRUNO TAGLIAFERRO: Un nouveau meurtre de la bande Dutroux
« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3
KEUMIÉE - En criminologie, les étudiants apprennent que le poison est une technique préférée par les femmes, subtile, sournoise,lâche. La bande Dutroux & Co, ces larves qui tuaient les enfants, pratiquait le meurtre par empoisonnement.
La première victime connue des Dutroux & Co s'appelle Bernard Weinstein. C'est ce marginal de Jumet qui habitait rue Daubresse, où les restes d'An et d'Eefje ont été exhumés mardi passé.
Weinstein, qui en savait trop et dont Dutroux et Lelièvre ont pensé qu'il allait les doubler, est mort empoisonné fin 95. Samedi, l'agence de presse Belga révélait que, de source judiciaire, elle avait appris que l'autopsie pratiquée vendredi soir de la dépouille du démolisseur de Keumiée, Bruno Tagliaferro, a révélé ce dont on se doutait depuis plusieurs jours, à savoir que le ferrailleur était mort par empoisonnement.
Les restes de Tagliaferro ont été exhumés vendredi soir. On ne dispose actuellement d'aucun autre détail concernant cette mort. On ne sait dont pas quel type de poison a été utilisé, s'il s'est agi d'ingestion de médicaments et si la mort était volontaire ou non.
Vendredi, le juge d'instruction de Neufchâteau Jean-Marc Connerotte avait assisté à cette autopsie tandis que les enquêteurs poursuivalent leurs recherches à Keumiée dans un terrain qui appartenait à la victime, proche du Grec Michel Diakostavrianos, inculpé dans le dossier Dutroux.
Bruno Tagliaferro était mort en novembre 1995 dans des circonstances mal élucidées. On avait parlé de crise cardiaque (à 33 ans !)Puis de surdose. Sa veuve avait été a première à émettre un doute en révélant à plusieurs journalistes que son mari serait mort parce qu'il connaissait les activités de Dutroux.
La jeune femme prétend même que son époux était en possession d'une liste qui pourrait avoir été enterrée quelque part sous le terrain et sur laquelle figuraient les noms de Dutroux et Weinstein, et sans doute d'autres qu'il importe d'identifier, puisqu'il se dit avec insistance que tous les membres du réseau ne sont pas arrêtés.
En pesant (lourdement) nos mots, nous affirmons qu'on peut se demander si Weinstein et Bruno Tagliaferro ont été les seuls empoisonnés.
Gilbert DuPont
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DÉBAT SUR L'ENQUÊTE : Des questions sans réponses
« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3
BRUXELLES - Pas facile de mener un débat télévisé sur les dysfonctionnements de l'enquête Dutroux au lendemain des funérailles d'An et Eefje. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à honorer, à juste titre, le courage des parents dont les propos envers la justice sont très durs. Le contraire serait presque choquant. Gino Russo l'a encore affirmé hier midi: «Rien n'a changé et la justice continue à nous mentir. Le pire, c'est qu'aujourd'hui tous les hommes politiques s'expriment sur ce drame, mais qu'ont-ils fait pendant 14 mois ?
M. Van Doren, magistrat national chargé de coordonner les dossiers relatifs à la criminalité organisée et au terrorisme, a été attaqué de toutes parts. Il a pour ainsi dire été incapable de répondre aux questions posées sur les dysfonctionnements de l'enquête Dutroux. Les manquements graves d'échanges d'informations entre les différents parquets n'ont pas pu être justifiés, a peine excusés.
Christian de Vroom, conseiller général de la PJ auprès du parquet, confirme que « le manque de coordination entre les polices est plus que jamais une réalité. On se cache des choses, c'est évident. Et on a tous une part de responsabilité là-dedans.
L'avocat Me Graindorge a dénoncé, haut et fort, le système des protections. Pour sa part, notre confrère Jean-Frédéric Deliège a expliqué le système de criminalité organisé qui ronge une partie de notre système judiciaire.
Un débat dans lequel beaucoup de questions essentielles ont été posées sans qu'aucune réponse valable ne soit apportée. Dans ces conditions,on comprend mieux que plus de 98 % des téléspectateurs n'ont plus confiance dans la justice belge, et que 95 % d'entre eux sont persuadés que l'enquête n'ira pas jusqu'au bout.
J.-F. Leconte