mardi 16 septembre 2008

An et Eefje Les funérailles(«Meuse » 9 septembre 1996 pg 9)


An et Eefje Les funérailles

« La Meuse » du lundi 9 septembre 1996 page 9

Par deux fois, un soleil éclatant a frappé un cercueil blanc, samedi à Hasselt. Ravivant du même coup, si c'était encore possible, les sentiments de révolte et d'injustice parmi la foule venue en masse rendre un dernier hommage à An et Eefje.

Trois semaines après avoir porté en terre Julie et Mélissa, c’est encore une fois la Belgique tout entière qui a accompagné les deux jeunes Limbourgeoises jusqu'à leurs dernières demeures.

Et si l'émotion était sans doute moins à fleur de peau, la douleur n'en était pas moins aussi profonde.

Deux cérémonies, mais deux enterrements placés sous une même couleur: le blanc, symbole de l'espoir. Deux messes de funérailles aussi émouvantes mais à l'esprit quelque peu différent: plus intime pour Eefje, plus accusateur pour An, dont le papa a clamé à la face des autorités le sentiment unanime de gâchis: « Ces funérailles n'auraient jamais dû avoir lieu».

____________________

La révolte du père d’An

« La Meuse » du lundi 9 septembre 1996 page 9

Durant un an, on nous a tout simplement ignores...a dit M. Marchal pendant la cérémonie

AUTRE église pour un même deuil, une même douleur partagée par des milliers de personnes. Il est 14 heures lorsque s'ouvrent, à la cathédrale Saint-Quentin d'Hasselt, les funérailles d'An Marchal.

Dans une atmosphère plus solennelle. Plus accusatrice aussi

Une fois encore, les parents des autres jeunes victimes, disparues ou assassinées, sont là pour soutenir Paul et Betty dans l'épreuve. Ils occuperont les places d'honneur dans l'église. Les parents de Julie sont présents aussi. Ceux d'Eefje n'ont pu venir: ils accompagnent leur fille au cimetière. Ici aussi, un camion de pompiers accompagné de cinq corbillards abondamment fleuris précède le véhicule transportant la dépouille mortelle d'An. Paul, le père, répond aux applaudissements en joignant les mains.

Les parents d'An ont également voulu consacrer le dernier hommage à tout ce que leur fille aimait dans la vie. A commencer par son amour des animaux, que rappelle de manière bouleversante la présence sur le cercueil

blanc de Snoopy, son chien en peluche. An l'avait laissé à Westende en partant assister au show d'hypnose. Pour ses parents, c'était un signe qu'elle avait disparu contre sa volonté...

Des chansons, émouvantes, vont arracher des larmes à l'assemblée. « Aujourd'hui, je parlerai de toi, avec des fleurs aux doigts. Avec mes mots à moi», chante la Liégeoise Rubie. Puis ce sera autour d'Helmut Lotti, chanteur vedette en Flandre, d'interpréter un bouleversant «Don t cry little child ».

Mais cette fois, contrairement aux funérailles d'Eefje, l'émotion se teinte d'amertume. De révolte, ouvertement exprimée. D'une démarche saccadée, les mâchoires crispées, Paul prend la parole. Pour remercier pour les innombrables marques de sympathie. Puis pour accuser: «An et Eefje n'auraient pas dû être enterrées aujourd'hui. Nous savons quand elles ont disparu. Nous ne savons pas quand elles sont mortes. Mais il est sûr que si on avait immédiatement fait le nécessaire, comme le fait aujourd'hui l'équipe Bourlet-Connerotte, cet enterrement n'aurait pas eu lieu. Pendant un an, nous avons critiqué et nous n'avons pas été entendus. Pendant un an, nous avons posé des questions, sans recevoir de réponses. Pendant un an, nous avons cherché,cherché, sans trouver quoi que ce sort. Pendant un an, on nous a simplement ignorés. Voilà pourquoi nous n'avons pas voulu que les autorités prennent place aux premiers rangs lors de cette cérémonie ». Dans l'assistance, tous les représentants des autorités,déjà présents aux funérailles d'Eèfje, ne peuvent qu'écouter

les ministres de la Justice De Clerck et de la Fonction publique Flahaut, représentent le gouvernement fédéral. Les deux membres du gouvernement flamand, le procureur général d'Anvers. L'aide du camp du Roi. Un dernier regret aussi, exprimé par le père d'An: celui de ne pas avoir pu organiser une cérémonie commune : «Nos deux filles auraient dû être ensemble ici. Tous les parents auraient dû s'asseoir côte à côte, ici, en tout honneur». A la sortie de la cathédrale, tous les parents des jeunes disparues tombent longuement dans les bras l'un de l'autre.

An sera ensuite inhumée au cimetière d'Hasselt. Sur sa pierre tombale, quelques mots gravés dans les deux langues: «Lorsque nous revenions de vacances, An disait: « On ne sait ce que l'on perd que lorsqu'on ne 'a plus ». Ce n'est que maintenant que nous comprenons ce qu'elle voulait dire ».

P.Hx.

_____________________

L’adieu à Eefje

« La Meuse » du lundi 9 septembre 1996 page 9

Sans espoir depuis longtemps, sa maman avait longuement mûri la manière de lui rendre un dernier adieu simple, tournée vers l'espérance

C'est dans l'intimité que les parents d'Eefje auraient voulu accompagner leur fille jusqu'à sa dernière demeure...

Mais comment priver Hasselt, et le pays tout entier, d'un désir tout aussi ardent de rendre un dernier hommage ému et unanime à cette autre victime innocente de la sauvagerie humaine? « An et Eefje ont disparu ensemble, ont subi leur calvaire ensemble, sont mortes côte à côte.

Pourquoi parlerait-on moins d'Eefje que d'An ? », confient des copines de classe d'une cousine d'Eefje, en gagnant la petite église Notre-Dame des pauvres. Une église bien trop petite pour pouvoir accueillir les quelque 3.000 personnes qui ont tenu à être là. Simplement.

Ils sont d'ailleurs tous venus, ces parents tragiquement unis par le drame de l'enfance disparue, massacrée. Qui pour certains espèrent encore, pour d'autres vivent avec l'atroce certitude. Les parents de Mélissa, la maman d'Elisabeth, la famille de Loubna. Les parents d'An aussi, malgré les funérailles séparées. Tous magnifiques de dignité, émus jusqu'aux larmes. Vivement applaudis par la foule à leur arrivée. Tout comme le sera Marie-France Botte, accompagnée de Claude Lelièvre, délégué général aux droits de l'enfant.

Il est 10 h 30 lorsque le cortège funèbre arrive. Un camion à échelle des pompiers et quatre corbillards chargés de couronnes et de bouquets précèdent le corbillard qui transporte le cercueil d'Eefje.

Ce cercueil que ne quittent pas des yeux les parents,les proches.

Atroce pressentiment: la maman d'Eefje avait mûri de longue date la manière de rendre un dernier adieu à sa

fille. «Bien avant la découverte des corps de Julie et Mélissa, elle avait perdu tout espoir de revoir sa fille vivante. Ce qui lui permettra sans doute de mieux surmonter le choc de la terrible certitude. Et d'éviter peut être de tomber dans un « trou noir », à l'inverse du papa, confient des membres de la famille.

L'adieu sera placé sous le signe de l'espoir. Tout entier tourné vers ce qu'Eefje appréciait dans la vie. Son amour du théâtre, que des garçons et des filles de la troupe Harlekijn, à laquelle appartenaient An et Eefje, viendront rappeler en déposant sept bougies, symboles des traits de caractère de la jeune disparue : paix, amour, confiance, simplicité, joie, justice et discrétion. Sa passion pour la musique aussi, interprétée par des professeurs du conservatoire d'Hasselt, où elle étudiait.

Des chansons enfin, celles qu'Eefje affectionnait. Koen Wouters, chanteur-vedette du groupe Clouzo, avait tenu spontanément à dire adieu à l'une de ses fans les plus fidèles.

C'est la maman d'Eefje qui prendra la parole. Sereinement, sans polémique. «Nous pensons à toutes les personnes mortes, disparues, oubliées », dira-t-elle simplement. Dans un travail de fin d'étude sur les soins palliatifs, Eefje s'était inspirée d'un philosophe, Silesius.

La lecture d'un de ses textes, après la communion, bouleverse : « Pourquoi avoir peur de la mort, puisque nous y sommes destinés.? Pourquoi devrais-je craindre ce qui ne fait pas peur? Comment aurais-je peur puisque la mort n'existe pas ? »

Il est midi lorsque la cérémonie prend fin. A la sortie du cercueil, des centaines de ballons blancs sont lâchés par la foule. Accrochées aux ficelles, des petites cartes souvenir reprenant quelques réflexions d'Eefje :

« Quand entendrons-nous à nouveau des jeunes chanter dans les rues, simplement parce qu'ils sont heureux de vivre? » Eefje repose désormais au cimetière de Kuringen, aux côtés de son petit frère Arjaan, mort à l'âge de deux ans.

P.Hx.

__________________

Une compassion sans frontières

« La Meuse » du lundi 9 septembre 1996 page 9

SAMEDI, Hasselt avait aussi tenu à prendre le deuil qui frappe deux de ses familles. Les vitrines du centre ville affichaient le deuil. Comme ils l'avaient fait pour les parents de Julie et Métissa, c'est par millier que parents et enfants ont tenu à marquer, par leur simple présence autour des deux églises, toute leur compassion pour les familles Marchal et Lambreks.

Si l'émotion générale était moins manifeste qu'à Liège, elle n'en était pas moins aussi profonde.

Dans la foule, les mêmes sentiments d'impuissance, d'incompréhension, que suscite la découverte de l'horreur absolue, qui frappe aussi bien la Flandre que la Wallonie. Samedi, des Wallons et des Bruxellois avaient aussi tenu à se déplacer à Hasselt pour rappeler que le drame dépasse toutes les frontières.

Un drapeau beige accroché à la barrière Nadar, une jeune mère de famille, d'origine bruxelloise, est venue seule depuis le Brabant flamand: « Je n'étais pas allée aux funérailles de Julie et Mélissa. Mais je suis venue à Hasselt parce que justement, je craignais, après la très grande médiatisation des cérémonies â Liège, que ces deux enterrements-ci ne soit un peu moins répercutés. Je ne suis venue ni pour voir les cercueils, ni les larmes des parents. Je veux simplement montrer que la solidarité entre flamands et francophones est bien là dans ces moments épouvantables » .

Myriam Goetgeluck ne peut retenir ses larmes à la pensée du drame qui frappe toutes ces familles : « j'ai perdu un enfant, dans d'autres circonstances. Mais cela ne s'oublie jamais. Alors, vous pensez pour ces familles... Par qui vont-elles être portées, à présent?». La révolte la tenaille.

Elle est dirigée contre cette implacable bureaucratie responsable à ses yeux de ce qui s'est passé. Elle ajoute: «Aujourd'hui, il n'y a plus de valeurs humaines, et c'est cela qui nous tue. Je ne crois plus du tout â la politique. Je suis aussi venue pour montrer la masse. Pour que les choses changent».

Un peu plus loin, deux habitants d'Hasselt, d'origine marocaine. Aussi associés de manière intense à la douleur ou à l'angoisse des parents d'An et d'Eefje, de Julie et Mélissa. Ou de Loubna, d'origine marocaine comme eux. « Mais nous sommes là pour être ensemble avec tous nos camarades belges.

Notre coeur est avec eux. Il n'y a pas de Belges ni de Marocains dans le mal comme dans le bien. Nous partageons leurs joies comme leurs peines », clament Ahmed et Mohammed.

Révolte jusqu'à l'écoeurement. Comme ces jeunes membres de la troupe de théâtre, qui accompagnait An et Eefje lors de leur dernier séjour à la Côte:

« Quand on a signalé leur disparition â la police, on nous a ri au nez : «elles sont sûrement au lit avec des garçons!», nous a-t-on répondu ». Terrible gâchis.

Pierre Havaux

 

 

Nihoul et Bouty sur la sellette («Meuse» 9 septembre 1996 pg 8)


Nihoul et Bouty sur la sellette

 « La Meuse » du lundi 9 septembre 1996 page 8

Elle reconnaît avoir hébergé Lelièvre en mai 1995, à la demande de son ex amant

Les choses semblent se précipiter à Bruxelles où ce week-end Annie Bouty et Michel Nihoul ont été réentendus longuement par les enquêteurs de la 23e brigade et de la PJ de Bruxelles. Annie Bouty a fait des aveux partiels, la nuit de samedi à dimanche : elle a notamment reconnu avoir hébergé Michel Lelièvre durant dix jours dans son appartement saint-gillois, en mai 1995, à la demande de Nihoul. Elle a également reconnu avoir invité à dîner chez elle les « artistes » de la bande (Nihoul, Dutroux et Lelièvre). Quant à Nihoul, transféré avec un luxe de précautions d'Arlon à Bruxelles dimanche en début d'après-midi, il devait lui aussi être interrogé durant plusieurs heures.

Avec quelques heures d'avance sur le planning prévu, Annie Bouty, inculpée et arrêtée jeudi après-midi, a été ramenée à Bruxelles samedi et interrogée de longues heures par les enquêteurs de la 23e brigade et de la PJ de Bruxelles. Entendue jusqu'à 3 h, dimanche matin, Bouty a fait des aveux partiels. Elle qui avait toujours prétendu n'avoir eu aucun contact avec les membres de la bande Dutroux (y compris avec Michel Nihoul, son ex amant et voisin de palier ! ) a reconnu avoir hébergé Michel Lelièvre durant dix jours, en mai 1995. « Une période chaude » selon les enquêteurs puisqu'elle se situe un mois avant l'enlêvement de Julie et Métissa.

Dans ses aveux, Bouty reconnaît avoir hébergé Lelièvre à la demande de Michel Nihoul. Pour les enquêteurs, ce n'est guère étonnant.

Comme Michèle Martin à l'égard de Dutroux, Bouty paraît totalement soumise à Nihoul. « Elle est totalement sous l'emprise de Nihoul, à tout point de vue. Si Nihoul demande quelque chose, elle fera TOUT pour le satisfaire. Il n'y a que sur le plan sexuel qu'elle ne paraissait pas prête à tout accepter».

Selon nos informations, Bouty a également admis avoir reçu à dîner à une reprise au moins les plus im portants membres de la bande : Nihoul, Dutroux et Lelièvre. Mais en réalité, elle recevait Nihoul à dîner bien plus fréquemment. Michel Nihoul, qui habite au 8e étage de l'immeuble 99, avenue Jaspar, n'avait qu'un étage à grimper pour rejoindre le duplex de Bouty, au 9°. Il y venait en compagnie de Marleen, sa maîtresse officielle depuis une dizaine d'années.

Pour l'anecdote, Marleen s'apprêtait à épouser un candidat réfugié politique roumain afin de régulariser la situation de séjour de ce dernier...

Hier après-midi, c'était autour de Michel Nihoul d'être interrogé à Bruxelles. Transféré d'Arlon par les équipes

ATA (protection et surveillance) de la 23e brigade, sous haute surveillance (trois voitures dont une blindée et des policiers armés de fusils d'assaut M-16), il est arrivé dans la capitale à 13 h 45. Un transfert au cours duquel les équipes ATA ont remarqué des « anomalies » : le retour devait se faire sous plus haute protection encore. « Les menaces sont de plus en plus précises. L'organisation criminelle structurée est toujours active. Il reste indubitablement des gens à l'extérieur».

A l'heure de mettre sous presse, on ignorait encore si l'audition de Michel Nihoul avait pu apporter de nouveaux éléments aux enquêteurs.

Philippe Crêteur

_____________________

Michel Nihoul: des connexions avec le dossier Cools ?

 « La Meuse » du lundi 9 septembre 1996 page 8

Alors que, de plusieurs sources, il paraît se confirmer qu'il n'y a aucun lien d'enquête entre le dossier Dutroux et le dossier Cools, il semble tout aussi probable que Michel Nihoul (que d'aucuns ont présenté comme un «porteur de valises » de certains socialistes liégeois) ait eu des rapports réguliers avec certains proches d'André Cools, voire avec l'homme de Flémalle lui-même.

On sait en effet que Michel Nihoul, de même d'ailleurs qu'Annie Bouty alors avocate d'un des protagonistes de cette affaire, a participé d'assez près à l'affaire dite du « Centre Médical de l'est », en l'occurrence le projet de construction d'un hôpital de 439 lits sur le site de Waroux (Ans-Alleur). Les trente médecins, membres effectifs de l'asbl, qui s'étaient portés caution (5 millions chacun) du projet, abandonnèrent le projet et l'asbl se trouva redevable, en janvier 1977, d'une somme globale d'environ 95 millions de francs. Les cautions devenaient donc mobilisables.

L'année suivante, toutefois, plusieurs hommes politiques socialistes obtenaient de la CGER qu'elle prête à l'asbl une somme de 16 millions (qui ne sera jamais remboursée). Deux ans plus tard, l'exécutif wallon rachetait le terrain de Waroux pour plus de 57 millions. Ce qui, a l'époque, parut fort cher payé. Parmi les trente médecins, personne ne s'en est plaint: chacun a vu sa caution diminuée d'un million !

Dans cette affaire, plusieurs familiers d'hommes-clés du parti socialiste à Liège sont intervenus dans ce dossier et ont rencontré Michel Nihoul ainsi qu'Annie Bouty.

Il paraît certain également qu'à l'instar de ce qui se passait à Bruxelles, Nihoul avait ses entrées dans les allées du pouvoir, à Liège. Son rôle était, comme il a toujours été, celui d'un entremetteur, prêt à toutes les « sales besognes » pour autant qu'elles soient rémunérées. Elles l'étaient.

Ph.C.

________________

Ixelles : l’ours en peluche n’appartenait pas aux disparues

« La Meuse » du lundi 9 septembre 1996 page 8

Les enquêteurs de la BSR de la gendarmerie de Bruxelles ont amené Roland Corvillain, samedi vers 18 h 15, dans la maison qu'il occupait, rue du Conseil, 35, à Ixelles. Il y est resté durant 1 h 20 et est reparti à 19 h 35 à bord d'une Ford Sierra qui l'a reconduit à la prison de Forest.

Les fouilles, qui avaient repris dans ce bâtiment samedi vers 10 h 30, se sont poursuivies toute la nuit et dimanche après-midi. Elles ont été interrompues vers 16 h et reprendront mardi avec les chiens et le radar de John Bennet.

Le jouet d'enfant dont nous avions annoncé la découverte dans l'une des citernes d'eau de pluie du bâtiment - en réalité, un ours en peluche rose - n'a été reconnu par aucune des familles d'enfants disparus. D'autres vieux jouets et des papiers d'emballage ont encore été retrouvés : tous ces objets ont été examinés par les dix hommes du DVI présents sur place et emmenés par leur patron, le commandant Johan Dewinne.

Samedi, une quinzaine de gendarmes de la brigade de Bruxelles, 5 ou 6 policiers d'Ixelles, 23 membres de la protection civile et 4 ou 5 membres de la BSR de Bruxelles ont tout particulièrement fouillé le jardin, la cuisine et les deux caves. Un puits a été découvert dans la cave mais son exploration n'a donne aucun résultat. Par ailleurs, des ouvrages de maçonnerie en briques rouges ont été retrouvés, sous la courette, menant à une seconde cave. De très anciennes traces de présence humaine ont été retrouvées (un vieux poêle, un très vieille machine à laver).

Le plancher de la cuisine,qui présente quelques anomalies, a été démonté. Tous les travaux se font à la pelle, aucun engin mécanique ne pouvant accéder à l'intérieur de la maison. Ni les appareils du Britannique John Bennett ni les chiens allemands n'ont été appelés sur place.

Selon les enquêteurs, Corvillain a été très coopératif: il a donné des précisions correspondant aux constatations faites par les enquêteurs. Il a expliqué avoir fait lui-même des travaux de canalisation dans les caves et dans la cuisine.

A 11 h dimanche matin, il restait encore 5 à 6 mètres cubes à déblayer dans la seconde cave : des travaux nécessitant la mise en place d'échafaudages et réalisés par les douze hommes de la Protection civile restés sur place. A 16 h, les fouilles ont été interrompues: elles ne reprendront que mardi prochain avec le radar et les chiens. Les enquêteurs sont arrivés à la partie dure et veulent être certains de ne rien laisser passer.

Loubna

Disons-le donc clairement aucun élément d'enquête ne permet pour l'heure de relier la maison de la rue du Conseil à la disparition de la petite Loubna Ben Aïssa. Toutefois, on sait, de sources sûres, que le dossier de la disparition de cette petite fille va sous peu être transmis au parquet de Neufchâteau, le parquet de Bruxelles s'en dessaisissant.

Hier, on a vu le papa de Loubna et deux de ses sœurs se rendre à la maison de la rue du Conseil. Ils y sont restés un quart d'heure environ avant de quitter les lieux à 17h 10, sans faire de commentaires. Selon le commandant Guillaume, les parents voulaient voir la maison.

300 cartes

Le papa de Loubna Ben Aïssa qui s'est rendu samedi aux funérailles d'An et Eefje en compagnie de Nabila, son aînée, de Najat (16) et d' Ilias (4 ans et demi). Avant ces cérémonies, il a été applaudi, ce qui l'a beaucoup ému.

Samedi, il a reçu la visite des gendarmes à deux reprises : à chaque fois, on lui annonçait qu'il n'y avait rien de neuf.

Depuis quinze jours, explique le papa de la petite Loubna, la famille Ben Aïssa a reçu 300 cartes d'encouragement (venant de tous les coins du pays) et de très nombreux coups de téléphone.

Philippe Crêteur

________________________

AUTOPSIE : Tagliaferro a-t-il été éliminé parce qu'il en savait trop?

« La Meuse » du lundi 9 septembre 1996 page 8

BRUNO Tagliaferro est décédé subitement !e 5 novembre 1995 à l'âge de 33 ans. Le médecin qui avait délivré le permis d'inhumer avait alors conclu à une crise cardiaque.

Marié et père de trois enfants, Bruno Tagliaferro exploitait un chantier de démolition au n°32 de la rue de la Brasserie à

Keumiée. Il vivait avec sa famille dans une caravane sur ce terrain.

Il gagnait sa vie en vendant des pneus neufs à prix très bas et faisait du commerce de pneus avec le Portugal.

Bruno Tagliaferro était en relation avec un des complices de Marc Dutroux, Michel Diakostavrianos, dit le Grec, qui faisait le commerce de pneus d'occasion importés d'Allemagne.

Diakostavrianos se rendait fréquemment chez lui à Keumiée. Très peu de temps avant son décès, Bruno Tagliaferro avait effectué un séjour d'un mois chez des amis au Portugal.

Selon les voisins, deux hommes avaient assuré ta garde de son chantier de démolition pendant son absence.

Ceux-ci auraient déplacé une des caravanes, creusé un trou,puis coulé une dalle de béton, avant de la recouvrir de terre et d'y replacer la caravane.

Le Parquet de Neutchateau avait ordonné des fouilles sur le terrain de la rue de la Brasserie dès 1e mardi 27 août. Les recherches, interrompues pendant une semaine, avaient repris de plus belle le 3 septembre et avaient été menées au finish.

A l'aide d'une pelleteuse et d'une grue, la protection civile et une trentaine de gendarmes ont retourné entièrement ce terrain d'environ un hectare sur une profondeur d'un mètre.

Toute la surface a été minutieusement inspectée par le radar du superintendant Bennet. Les enquêteurs ne cherchaient manifestement pas de cadavre (les chiens spécialisés dans la détection de corps n'ont pas été amenés sur le site) mais des indices et peut-être des armes.

Pendant ces fouilles, la veuve de Bruno Tagliaferro s'était rendue sur le chantier de démolition et avait interpellé les journalistes présents. Elle avait affirmé que son mari détenait une liste de noms de personnes impliquées dans le dossier de trafic de voitures volées. Selon elle, son époux était un témoin gênant et aurait été éliminé par Marc Dutroux.

Ces accusations ont été prises au sérieux par le Parquet de Neufchâteau qui a ordonné l'exhumation et l'autopsie du démolisseur de Keumiee.

Réalisée vendredi, cette autopsie a révélé que la mort de Bruno Tagliaferro était due à un empoisonnement.

Il faudra encore procéder à des analyses toxicologiques pour déterminer le type de poison utilisé.

 

Vu le contexte de cette affaire, la thèse du suicide semble très peu probable. Bruno Tagliaferro est mort le 5 novembre 1995. Très peu de temps avant la disparition de Bernard Weinstein, le complice que Marc Dutroux a avoué avoir enterré vivant après l'avoir drogué. Troublantes coïncidences...

E.Ma.

 

 

 

 

Bouty relie Cools à Dutroux(«Dernière Heure» 9 septembre 1996 pg 3)


Bouty relie Cools à Dutroux

L'EX-AVOCATE AVAIT PLAQUÉ NIHOUL POUR GUFFENS, L'HOMME DE COOLS

« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3

BRUXELLES - Il faut être très clair.

1) À ce stade, il n'existe aucun lien établi entre la bande Dutroux et l'affaire Cools, si ce n'est une simple coïncidence de dates qui veut que les deux dossiers éclatent dans la même période. Ce ne sont as des éléments provenant de 'enquête sur Dutroux & Co, mais des informations séparées recueillies au début de l'été par la cellule Cools, qui ont fait rebondir spectaculairement l'enquête sur le ministre d'Etat assassine en juillet 91.

2) Selon certains confrères, le trafic de voitures - l'un des volets connexes du dossier Dutroux - permettrait de relier l'affaire Cools au monstre de Sars-la-Buissière. Le lien serait De Santis que le juge Connerotte considérait comme l'un des rouages essentiels de l'assassinat d'André Cools dans l'affaire des titres volés et que l'on retrouverait dans la mouvance Dutroux. Nous ne pouvons pas confirmer ces informations. Est-ce à dire qu'aucun lien n'existe ? Rien n'est moins sûr, n'est-ce pas Madame Bouty et Monsieur Nihoul ?

3) C'est tout simplement le couple... Nihoul-Bouty ! Explications ? A la fin des années 70 et au début des années 80, les deux patrons d'alors du PS liégeois, Edmond leburton et surtout André Cools, ont pour projet la construction de deux nouveaux hôpitaux à Fléron et à Alleur. L'un des projets passait par l'expropriation d'un terrain qui fut finalement acquis pour la somme de 57.194.800 F.

C'est ainsi que débuta t'affaire des hôpitaux de l'Est, un dossier terriblement complexe qui a empoisonné la vie liégeoise pendant des années avant de tomber aux oubliettes, effacée par d'autres scandales qui ont surgi en quinze ans dans la Cité ardente.

Cools-Bouty-Nihoul

--Simplifions... en disant que le projet est confié à une asbl Centre médical de l'Est. La paire Cools-le-burton place un certain Jean-Marie Guffens à la tête de l'asbl.

Quand la justice s'en mêlera, le projet ayant capoté, Guffens, poursuivi pour détournement de fonds, devra faire choix d'un avocat. Le choix se portera sur - accrochez-vous ! - une avocate bruxelloise du nom d'Annie Bouty, qui vit à l'époque depuis huit ans avec un certain Michel Nihoul. Le couple Bouty-Nihoul a d'ailleurs deux enfants.

Plus pour longtemps, puisqu'en septembre 1982. Annie Bouty plaque Nihoul et s'installe chez Guffens - l'homme de CooIs – avec qui l'avocate entretient une liaison. Et c'est ainsi, par jalousie de cocu, que le Bruxellois Nihoul a commencé à s'intéresser aux petites affaires André Cools. Au point que, le 19 septembre 1983, Michel Nihoul s'est rendu à la PJ de liège pour dénoncer tout ce qu'il sait sur le scandale des hôpitaux de l'Est.

A la PJ de liège, les tuyaux de Nihoul sont recueillis par les inspecteurs Daniel Botson et Jean-Marie Gehasse, qui les transmettent à une jeune substitute qui fera carrière Mme Anne Thilly !

Car Nihoul sait beaucoup. II révèle notamment que Guffens - l'homme de Cools - l'a chargé de se rendre en Suisse y chercher 140.000 FS sur un compte au Crédit Suisse à Genève. Guffens accusera d'ailleurs Nihoul d'avoir gardé pour lui une partie de l'argent. L'affaire se réglera en justice, Nihoul ayant investi les fonds dans un bar à Bruxelles. L'affaire est ancienne mais pas... tant que ça !

La preuve en est que le comptable de l'asbl des hôpitaux de l'Est en a lui aussi beaucoup voulu à André Cools, a u point que, quatre mois avant d'être assassiné, André Cools qualifiait ce comptable de « fou dangereux ».

Alors, un lien entre l'affaire Dutroux et l'assassinat d'André Cools ? Sur papier, c'est évident qu'il existe. Il est même direct. C'est tout simplement Nihoul Bouty. De là à dire que c'est ce lien troublant qui a joué, c'est une autre paire de manches.

Gilbert Dupont

_____________________

Les aveux d’Annie Bouty  « J'Al HÉBERGÉ LELIÈVRE À SAINT-GILLES »

« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3

BRUXELLES - Les affaires continuent de ne pas s'arranger pour l'avocate déchue Annie Bouty et son ami, l'homme d'affaires bruxellois Michel Nihoul. Pendant tout le week-end, Nihoul et Bouty, ramenés à Bruxelles, se sont succédé dans les bureaux de la brigade nationale de la police judiciaire.

Les auditions poursuivies jusque dans la soirée de dimanche permettront à Jean-Marc Connerotte, le juge de Neufchâteau, d'encore mieux cerner le rôle exact du couple dans l'affaire Dutroux. L'ex avocate Bouty a été à l'origine des premiers aveux selon lesquels cette personne de 49 ans, qui a elle même plusieurs enfants, admet avoir hébergé pendant dix jours dans son appartement de l'avenue Jaspar, à Saint-Gilles, rien moins que le bras droit de Dutroux, Michel Lelièvre, et ce dans une période chaude, en mai 1995, un mois avant l'enlèvement à Grâce-Hollogne des petites Julie et Mélissa.

Subjuguée par Nihoul

Aux yeux des enquêteurs, ces aveux confirment que la bande Dutroux et le couple Nihoul-Bouty ne forment qu'un. Depuis samedi, Annie Bouty a été entendue jusqu'à dimanche à trois heures du matin. Elle fait pitié. Cette femme donne l'impression d'imaginer encore aujourd'hui qu'elle appartient à la bonne société bruxelloise

et de ne pas imaginer qu'on puisse encore en douter. Elle fait pitié aussi parce que chacune de ses explications fait apparaître qu'elle était entièrement subjuguée par Michel Nihoul, à tous points de vue, y compris sexuels.

Annie Bouty vivait pour satisfaire Nihoul. Le moindre souhait était un ordre. C'est Nihou I, explique-t-elle, qui l'a poussée à commettre des faits répréhensibles. C'est Nihoul, a-t-elle encore déclaré, qui lui a demandé d'héberger Lelièvre un mois à peine avant la disparition des deux petites filles. C'est toujours à la de mande de Nihoul qu'elle a reçu Dutroux et Lelièvre, chez elle, dans son appartement, au neuvième du numéro 99 de l'avenue Jaspar.

«Anomalies »

Nihoul a menti sur toute la ligne. Il prétendait ne plus avoir de contacts depuis des années avec Annie Bouty. Annie Bouty dit que c'est faux. Ils se voyaient chez elle au moins une fois par mois. Souvent, Marlène accompagnait Nihoul. Marlène qui aurait dû se marier prochainement avec un candidat réfugié roumain.

Le week-end a bétonné la piste suivie depuis quinze jours par la PJ: Dutroux-Nihoul, c'est une nébuleuse criminelle structurée spécialisée dans les trafics de cassettes pédophiles, d'autos et de camions ainsi que le rapt, la vente et le meurtre d'enfants.

Dimanche soir, l'interrogatoire de Nihoul se poursuivait 13, rue des Quatre-Bras, à Bruxelles. Rien ne filtrait toutefois, sinon qu'il n'est pas exclu que de nouvelles inculpations viennent aggraver prochainement le cas du sieur Nihoul. Extrait de la prison de Namur, un masque sur les yeux, Nihoul est arrivé hier vers 13 h 45 à Bruxelles, dans une Mercedes blindée escortée elle-même par deux véhicules du Groupe Ata de la 23e brigade. Dans le dernier véhicule, des policiers armés notamment de fusils de guerre M16!

Car les polices craignent l'attentat. Selon des sources confidentielles, des « anomalies » (dont nous ignorons la nature) ont été constatées lors du transfert. Les policiers sont persuadés que tous les membres de la bande ne sont pas arrêtés. De là aussi les mesures spectaculaires prises depuis la semaine passée autour de la cellule d'enquête de Neufchâteau et du domicile privé du juge Connerotte.

A l'avenir, les transferts seront doublés. Au moins quinze superflics armés escorteront chaque détenu.

Gilbert Dupont

___________________

 ILS GARDENT ESPOIR

Le courage des Benaissa

« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3

IXELLES - « Nous nous sommes rendus samedi à Hasselt aux funérailles d'An et Eefje parce nous savons la douleur que ressentent les parents. Nous éprouvons la même douleur et avec le recul, nous avons le regret de ne pas avoir été présents déjà, lors des funérailles à Liège de Julie et Mélissa. Les parents le savent, le lecteur le suppose. Ces derniers mois de malheur ont amené les journalistes à se glisser dans la douleur et l'intimité des familles des enfants disparus.

Nous devons dire que nous avons tous découvert des parents comme nous n'imaginions pas qu'il pût en exister, qu'il s'agisse des mamans et des papas d'Elisabeth, de Julie, de Mélissa,d'An et d'Eefje. La tragédie, l'attente, la peine a tissé des liens et parfois des amitiés.

Vous ne devez pas croire que vous avez été les seuls à pleurer lorsque les corps de ces petites filles que nous n'avons jamais rencontrées, mais qui nous sont devenues si proches, ont été exhumés.

Nous, journalistes, sommes aussi des mamans et des papas.

Et nous avons fait une découverte : tous ces gosses avaient des parents dont le courage, la grandeur, la simplicité, la gentillesse nous ont séduits. Que dire alors des parents de Loubna qui ne parlent pas très bien le français, mais trouvent tant d'amour et de tendresse pour nous parler de leur petite fille disparue il y a quatre ans et un mois en allant, pour la première fois, faire des courses toute seule - le mercredi 5 août 1992 - et acheter pour son petit frère deux yaourts à 40 F au grand magasin du quartier ?

Timidité

Voilà pourquoi les parents de Loubna ont voulu que le petit frère, qui a grandi - Ilyas a à présent quatre ans et demi -, assiste aux funérailles d'An et Eefje avec les deux soeurs de Loubna, Nabi a,18 ans, et Najat, 16 ans. « Je ne trouve pas les mots pour décrire l'émotion que nous avons ressentie quand nous avons été applaudis à Hasselt. Nous avons eu chaud au coeur », nous dit le papa, Lahsen, dont le courage nous éblouit quand il nous explique que, depuis quinze ans, il a dû passer quelque chose comme cinq mille nuits, de 22 h à 5 h du matin, à nettoyer des wagons de chemin de fer à la gare de Forest. Le couple a huit enfants.

En août 1992, à la disparition de sa fille, à peine rentré du boulot, Lahsen repartait, roulant dans Bruxelles à la recherche de Loubna.

Seul pendant trois jours, sans l'aide d'un seul policier.

Les Benaïssa ne sont pas du tout méfiants, mais timides. Les médias les effraient. Ils n'osent pas. Ils n'ont pas osé aborder les parents de Julie, de Mélissa, d'An et d'Eefje. « Ils ne nous connaissaient pas. Nous n'avons pas voulu troubler leur douleur. » Mais ils souhaitent entrer en contact... et nous nous sommes permis de communiquer les téléphones utiles, « Depuis qu'on reparle de Loubna, poursuit le papa, nous avons reçu trois cents cartes. Samedi matin, on en a encore trouvé une quinzaine dans la boîte aux lettres. Nous les gardons bien sûr, elles nous font tellement plaisir. On nous écrit de Bruxelles mais aussi de Liège, de Charleroi, d'Anvers, de Gand.

D'autres, surtout des Arabes,nous téléphonent. Nous remercions aussi la gendarmerie qui nous informe deux fois par jour des fouilles rue d u Conseil, à Ixelles. Je garde espoir de retrouver Loubna vivante. Oui, toujours. Ce que nous espérons, c'est de trouver un indice qui permettrait enfin d'avoir un début de piste. En apprenant que cet homme, M. Corvillain, vivait si près de chez nous, nous en avons eu froid dans le dos. Loubna est une petite fille gentille et douce. Sa grande passion, c'étaient ses poupées. Mais non, lors de sa disparition, elle n'avait pas de petit ours en peluche rose...

Gilbert Dupont

______________________

LES CHIENS ET LE RADAR REVIENDRONT MARDI

Rien dans les caves et le jardin

« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3

IXELLES - Le commandant Jacques Guillaume ne se contente pas de diriger la brigade de gendarmerie de Bruxelles. C'est aussi un papa (d'une jeune fille de 21 ans et d'un grand gamin de 6 ans qui, comme tous es papas, comprend parfaitement le tourment qui étreint depuis quatre ans et un mois la famille Benaïssa. Aussi, dimanche en fin d'après-midi, l'officier de gendarmerie a-t-il proposé aux parents de !a petite Loubna de visiter les fouilles réalisées dans les caves et le jardin de la rue du Conseil, 35, à Ixelles, où vivait Roland Corviliain, l'informaticien incarcéré depuis deux mois à Forest pour le viol de plusieurs jeunes filles.

Le papa, Lahsen, son épouse Habiba et l'aînée de leurs huit enfants, Nabella, ont pu ainsi visualiser les travaux effectués à coups de bêche depuis samedi matin. Ils ont été impressionnés. A force de biceps, les terrassiers de la Protection civile ont carrément retiré le plancher du rez-de-chaussée, explique Nabella, heureuse, formidablement heureuse d'apprendre que les craintes n'étaient pas fondées, qu'aucun indice n'a été trouvé au numéro 35 qui permette de dire que sa petite soeur Loubna y ait été séquestrée.

Les travaux sont quasi terminés.

Par acquit de conscience, les chiens-cadavres et le fameux géo radar du Britannique John Benett viendront mardi lever les derniers doutes. La Protection civile a creusé assez profond, là où la terre n'a plus été retournée depuis des dizaines d'années.

Le parquet de Bruxelles devrait se dessaisir du dossier Corvillain ce lundi. Si l'Ixellois n'est pas inculpé dans l'affaire Dutroux, son dossier sera traité à Neufchâteau par le juge Connerotte, avec les Nihoul, Bouty, Lelièvre, Martin, Zicot et consorts !

La disparition de Loubna Benaïssa fait désormais partie des hypothèses de Neufchâteau.

Terrassiers bénévoles

Imaginez le tourment des parents qui habitent à deux pas et ont été vus très longuement rue du Conseil tout au long du week-end. Les enquêteurs vont au plus pressé. Rue du Conseil, les travaux devaient reprendre lundi. Une météo favorable et un calendrier chargé en ont décidé autrement.

La priorité reste : ne pas perdre un jour. Samedi, à 10h30, étaient donnés les premiers coups de pelle.

Simultanément, vingt-deux terrassiers de la Protection civile, tous bénévoles, s'attaquaient au jardin

- retourné à plus de 2 mètres de profondeur -, à un puits - vidé et sondé - et aux deux caves situées en arrière bâtiment, sous la cuisine et une petite cour.

Officiellement, les enquêteurs ont cherché des indices », pas des « corps ». Mais la nuance n'a trompé personne. Pas question d'utiliser des moyens mécaniques. Le muscle remplace la pelleteuse. Des dizaines de mètres cubes de terre et de débris ont été retournés. Les archéologues du DVI (Disaster Victims Identification) ont exhumé de vieux poêles, des jouets datant parfois de dizaines d'années, une machine à laver, un escalier de briques rouges menant à une cave oubliée, etc.Mais rien, aucun début d'indice.

Pendant une heure vingt, samedi,entre 18 h 15 et 19 h 35, la BSR de Bruxelles a ramené sur place Roland Corvillain. L'Ixellois été prié d'expliquer les travaux récents de maçonnerie effectués dans l'immeuble. Il était tout de même curieux de constater que chaque fois qu'on arrive chez un copain de Dutroux, on a creuse dans les caves et le jardin. Mais Corvillain, selon les enquêteurs, a fourni des explications plausibles (des travaux de canalisation dans les caves) qui semblent correspondre effectivement à ce qui a pu être constaté.

Gilbert Dupont

_______________________

BRUNO TAGLIAFERRO: Un nouveau meurtre de la bande Dutroux

« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3

KEUMIÉE - En criminologie, les étudiants apprennent que le poison est une technique préférée par les femmes, subtile, sournoise,lâche. La bande Dutroux & Co, ces larves qui tuaient les enfants, pratiquait le meurtre par empoisonnement.

 La première victime connue des Dutroux & Co s'appelle Bernard Weinstein. C'est ce marginal de Jumet qui habitait rue Daubresse, où les restes d'An et d'Eefje ont été exhumés mardi passé.

Weinstein, qui en savait trop et dont Dutroux et Lelièvre ont pensé qu'il allait les doubler, est mort empoisonné fin 95. Samedi, l'agence de presse Belga révélait que, de source judiciaire, elle avait appris que l'autopsie pratiquée vendredi soir de la dépouille du démolisseur de Keumiée, Bruno Tagliaferro, a révélé ce dont on se doutait depuis plusieurs jours, à savoir que le ferrailleur était mort par empoisonnement.

Les restes de Tagliaferro ont été exhumés vendredi soir. On ne dispose actuellement d'aucun autre détail concernant cette mort. On ne sait dont pas quel type de poison a été utilisé, s'il s'est agi d'ingestion de médicaments et si la mort était volontaire ou non.

Vendredi, le juge d'instruction de Neufchâteau Jean-Marc Connerotte avait assisté à cette autopsie tandis que les enquêteurs poursuivalent leurs recherches à Keumiée dans un terrain qui appartenait à la victime, proche du Grec Michel Diakostavrianos, inculpé dans le dossier Dutroux.

Bruno Tagliaferro était mort en novembre 1995 dans des circonstances mal élucidées. On avait parlé de crise cardiaque (à 33 ans !)Puis de surdose. Sa veuve avait été a première à émettre un doute en révélant à plusieurs journalistes que son mari serait mort parce qu'il connaissait les activités de Dutroux.

La jeune femme prétend même que son époux était en possession d'une liste qui pourrait avoir été enterrée quelque part sous le terrain et sur laquelle figuraient les noms de Dutroux et Weinstein, et sans doute d'autres qu'il importe d'identifier, puisqu'il se dit avec insistance que tous les membres du réseau ne sont pas arrêtés.

 

En pesant (lourdement) nos mots, nous affirmons qu'on peut se demander si Weinstein et Bruno Tagliaferro ont été les seuls empoisonnés.         

Gilbert DuPont

 ___________________

DÉBAT SUR L'ENQUÊTE : Des questions sans réponses

 « La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 3

BRUXELLES - Pas facile de mener un débat télévisé sur les dysfonctionnements de l'enquête Dutroux au lendemain des funérailles d'An et Eefje. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à honorer, à juste titre, le courage des parents dont les propos envers la justice sont très durs. Le contraire serait presque choquant. Gino Russo l'a encore affirmé hier midi: «Rien n'a changé et la justice continue à nous mentir. Le pire, c'est qu'aujourd'hui tous les hommes politiques s'expriment sur ce drame, mais qu'ont-ils fait pendant 14 mois ?

M. Van Doren, magistrat national chargé de coordonner les dossiers relatifs à la criminalité organisée et au terrorisme, a été attaqué de toutes parts. Il a pour ainsi dire été incapable de répondre aux questions posées sur les dysfonctionnements de l'enquête Dutroux. Les manquements graves d'échanges d'informations entre les différents parquets n'ont pas pu être justifiés, a peine excusés.

Christian de Vroom, conseiller général de la PJ auprès du parquet, confirme que « le manque de coordination entre les polices est plus que jamais une réalité. On se cache des choses, c'est évident. Et on a tous une part de responsabilité là-dedans.

L'avocat Me Graindorge a dénoncé, haut et fort, le système des protections. Pour sa part, notre confrère Jean-Frédéric Deliège a expliqué le système de criminalité organisé qui ronge une partie de notre système judiciaire.

Un débat dans lequel beaucoup de questions essentielles ont été posées sans qu'aucune réponse valable ne soit apportée. Dans ces conditions,on comprend mieux que plus de 98 % des téléspectateurs n'ont plus confiance dans la justice belge, et que 95 % d'entre eux sont persuadés que l'enquête n'ira pas jusqu'au bout.

J.-F. Leconte

 

 

 

 

Unis dans le deuil et l’espoir( «Dernière Heure» 9 septembre 1996 pg2)


Unis dans le deuil et l’espoir

 ÉMOUVANTES FUNÉRAILLES A HASSELT

 « La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 2

 HASSELT- Les parents de Julie et de Mélissa étreignant ceux d'An, applaudis par la foule massée à la sortie de la cathédrale Saint-Quentin de Hasselt. Voilà l'une des images gravées à jamais dans la mémoire des Belges. Au terme d'une nouvelle journée de deuil, elle était le symbole d'une immense tristesse mais aussi d'une solidarité intense entre les familles éprouvées, soutenues par tout un peuple.

Ballons de l'innocence

Dès 9 h, l'église où avait lieu l'enterrement d'Eefje était déjà pleine à craquer. Entre 2.000 et 3.000 personnes se sont peu à peu rassemblées à l'extérieur de l'église Notre-Darne des Pauvres, pour suivre la cérémonie sur un écran géant. L'arrivée des parents d'enfants disparus ou tués, notamment ceux d'An Marchal, de Mélissa Russo, d'Élisabeth Brichet ou de loubna Benaïssa, a été saluée par des applaudissements, renouvelés lorsque la famille lambrecks est descendue de voiture. La dépouille d'Eefje a été transportéedans un corbillard blanc précédé d'un camion de pompiers et de quatre corbillards couverts de fleurs.

Les ministres de la Justice Stefaan De Clerc k et de la Fonction publique André Flahaut représentaient le gouvernement. Marie France Botte et Claude leiièvre, dont on connaît le combat contre la pédophilie, se trouvaient là aussi.

La messe, que la maman d'Eefje préparait depuis des mois, persuadée très vite que sa fille était morte, s'est déroulée dans une grande simplicité. On retiendra notamment l'hommage des membres de la troupe de théâtre Harlekijn à laquelle appartenaient Eefje et An. Ils ont allumé sept bougies symbolisant les traits de caractère d'Eefje : paix, amour, confiance, simplicité, joie, justice et discrétion. Koen et Kris Wauters (Eefje était une fan de Clouseau) ont également chanté.

A l'issue de la cérémonie, des dizaines de ballons blancs, distribues dans la foule, ont été lâchés,avant que le cortège ne prenne la direction du cimetière de Kuringen. Eefje y repose aujourd'hui aux côtés de son petit frère Arjaan, mort à l'âge de 2 ans.

Une peluche, un message

Lors des funérailles d'An, les premiers rangs de la cathédrale Saint Quentin étaient occupés par les parents des enfants disparus (ceux de Julie Lejeune s'étaient entretemps joints à eux), les Marchal estimant que tous faisaient désormais partie d'une même famille.

Un camion de pompiers et cinq corbillards couverts de couronnes et de bouquets précédaient la voiture blanche emmenant le cercueil de la jeune femme. Tout autour de la cathédrale, 4.000 à 5.000 personnes s'étaient rassemblées en silence. Un écran géant avait également été installé.

Dans l'église, décorée de fleurs blanches, Rubie a interprété en français une chanson consacrée aux récents drames. L'abbé Belder a ensuite évoqué dans son homélie la colère, l'horreur et l'impuissance » ressenties par la population. Helmut lotti a interprété Dont cry little child.

Comme pour Eefje, la cérémonie était placée sous le signe de l'espoir, mais aussi de l'amertume. Sur le cercueil d'An, son petit chien en peluche, Snoopy, qu'elle avait laissé à Westende en partant assister au spectacle de Rasti Rostelli de Blankenberge. C'était, pour ses parents, un signe qu'elle était retenue contre sa volonté. Sur les livrets distribués dans l'église, une phrase: « Cela aurait pu être évité. »

L'un des moments forts de cette cérémonie fut l'intervention du papa d'An, qui a trouvé les mots justes pour dire ce qu'il pensait des errements de la justice et pour demander, surtout, à la population de continuer à les soutenir.

Une fois encore, Paul et Betty Marchal, aux côtés de leurs trois autres enfants, ont fait preuve d'un courage et d'une dignité remarquables.

An Marchal a été inhumée au cimetière de Hasselt. Sur la pierre tombale, ces quelques mots, gravés dans les deux langues : Quand nous sommes rentrés de vacances, An a dit :

« Tu sais seulement ce qui manque quand ce n'est plus » là. Ce n'est que maintenant que nous savons ce qu'elle a voulu dire. » Dans la foule, samedi, il n'y avait ni Flamands, ni Wallons, mais des Belges unis dans le deuil. On n'a vu que des drapeaux tricolores en berne. De multiples drapeaux blancs aussi. Pas le blanc de la reddition, mais celui de l'innocence, et de l'espoir que jamais,plus jamais, de telles atrocités ne nous replongent dans un pareil cauchemar.

Benoît Franchimont

_____________________

Paul Marchal : Un monde meilleur

« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 2

HASSELT- A la fin des funérailles de sa fille, Paul Marchai, le papa d'An, a pris la parole. Voici des extraits de son intervention :  «An et Eefje n'auraient pas dû être enterrées aujourd'hui. Nous savons quand elles ont disparu. Nous ne savons pas quand elles sont mortes. Mais il est sûr que si l'on avait immédiatement mis en œuvre les forces nécessaires, comme !e font aujourd'hui le procureur général Michel Bourlet et le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte, cet enterrement n'aurait pas eu lieu.

Pendant un an, nous avons formulé des critiques. On ne nous a pas écoutés. Pendant un an, nous avons posé des questions qui sont restées sans réponses. Pendant un an, nous avons dû chercher, chercher sans rien trouver. Pendant un an, on nous a abandonnés.

C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu que les personnalités occupent !es premiers rangs aujourd'hui. Et nous serons attentifs à la promesse faite par eux. Cela exige la solidarité de toute la population. Cette solidarité existe. Les milliers de lettres que nous recevons en témoignent (...).

 La vie peut être dure, même pour trouver la paix avec les parents d'Eefje. Ces enfants ont disparu ensemble le 23 août. Elles ont été retrouvées ensemble !e 3 septembre. Aujourd'hui, elles sont enterrées séparément. Nous le regrettons énormément. Les deux petites filles auraient dû être ici ensemble, de même que leurs parents. Nous avons toujours recherché An et Eefje.

La question du pourquoi de leur mort et de celle de Julie et Mélissa va nous ronger. Ces actes horribles et lâches auront peut-être un jour une signification. Nous avons pour mission de réveiller l'ensemble de la planète.

Quelqu'un nous a écrit pour nous dire que des centaines de milliers de personnes rêvent d'un monde meilleur. Eh bien, rêvons, mais agissons aussi ensemble ! En tant que parents d'An et d'Eefje, il faut que nous combattions, que nous tendions /a main à tous les parents, à tous les hommes, toutes les femmes, jeunes ou âgés. Ne rêvons pas, mais battons-nous pour un monde meilleur (...).

Vous tous qui êtes réunis ici, ou à l'extérieur de l'église ou dans un autre endroit, c'est vous qui nous avez donné /a force de poursuivre. Nous vous resterons éternellement reconnaissants (...).

Maintenant, nous devons nous reposer, notre fatigue est grande. Nous voulons nous retrouver dans le cercle familial et y assimiler la disparition d'An. Si vous ne nous voyez plus durant quelques jours, ne pensez surtout pas que nous avons abandonne notre action. Avec votre appui, nous nous battrons.

Je me suis trompé. J'ai toujours espéré, toujours pensé qu'An et Eefje allaient être retrouvées vivantes. An aimait les animaux. A la maison, c'était un zoo d'animaux domestiques. Aujourd'hui, le jour même de son enterrement, sa chienne préférée a mis au monde 9 chiots (...).

Quand An a disparu, elle avait 16 ans. Y a-t-il quelque chose après la vie, un endroit d'où l'on peut voir sa famille, ses amis qui sont affligés ? II y avait encore tant de choses à faire ensemble. Existe-t-il quelque chose en cet endroit ? Non, il vaut mieux vivre.

Beaucoup de personnes, dont nous ignorions l'existence, nous ont apporté la preuve de leur attachement à An (...). Espérons que sa mort puisse avoir un sens pour chacun d'entre nous. Soyons solidaires. Combattons pour un monde meilleur.

__________________________

JOURNÉE SOLENNELLE MARQUÉE PAR L'ÉMOTION

Frissons dans le dos

« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 2

HASSELT- « Depuis ce matin, j'ai des frissons dans le dos. » Voilà comment on peut résumer la journée de samedi, qui a vu se succéder le double enterrement d'An et d'Eefje.

Très rapidement, beaucoup de gens se sont pressés autour des arrières Nadar. D'autres ont préféré se mettre à l'écart, comme pour tenter de prendre un peu de recul face à une actualité qui, depuis trois semaines, défile à une allure vertigineuse.

« Dans des moments comme ceux-ci, il n'est de toute façon pas possible de contenir ses larmes »,confie une habitante du quartier qui, pudiquement, dissimule ses yeux gonflés par la tristesse derrière des lunettes de soleil. Peu importe qu'elle soit dans l'ombre.

Tout le quartier pleure ses morts.

Face à l'église, deux énormes bouts de tissu attirent le regard. L'un est blanc, l'autre noir. Pour que l'espoir survive dans le deuil.

«L'espoir que le drame vécu par ces deux gamines ne soit pas inutile. Il faut que tout cela change,les magistrats pourris, les politiciens véreux... Tout doit changer en Belgique », affirme Henry, pensionné. Si l'émotion génère des propos d'une telle rudesse, c'est plus souvent plus par dépit que par poujadisme. «Si seulement on avait déployé les mêmes moyens dès le début», soupire Ellen enserrant son enfant dans ses bras.

Le sentiment général de ces milliers de personnes venues «pour exprimer leur soutien aux familles des victimes » est un curieux mélange de révolte et de recueillement.

Silence bouleversant

« Je n'ai jamais été aussi nerveux pour conduire mon car », explique Luc. Il s'occupe de conduire les familles des autres victimes venues assister aux deux enterrements.

Les parents de Julie et de Mélissa,la maman d' EIisabeth... « Leur silence m'a littéralement bouleversé.

J'ai rarement vu autant de douleur que dans les yeux de ces parents pour qui les plaies doivent sans cesse se rouvrir.

Un peu plus loin, un bébé d'à peine quatorze mois hurle dans son landau. Il ne sait certainement pas pourquoi il est là, mais ces cris résonnent sur la place comme une oraison funèbre. A la sortie du cercueil, des milliers de ballons blancs se sont envolés vers plus de justice. Beaucoup emmènent avec eux une carte à l'effigie d'Eefje sur laquelle on peut lire : « Quand entendrons-nous à nouveau des jeunes gens chanter dans la rue simplement parce qu'ils sont heureux de vivre ?

Alors que la foule se disperse, quatre copains d'Eefje restent assis dans le gazon, a des dizaines de mètres de là. Devant eux, une bougie se consume, mais brûle toujours. Comme un souvenir éternel.

Sur la place du Marché, dans le centre-ville, les abords de la cathédrale Saint-Quentin sont pris d'assaut. Sur les balcons bondés, quelques drapeaux belges sont en berne. Les mêmes barrières, les mêmes bouts de tissu blancs et noirs, les mêmes photos et les mêmes applaudissements à l'arrivée des parents. Tout semble réglé comme du papier à musique. Peu de commerces sont fermés et les terrasses des cafés sont pleines.  On consomme face aux écrans géants qui diffusent la messe d'enterrement. L'émotion est tout aussi forte. Ici aussi, plus de dix mille cartes en souvenir d'An sont distribuées contre quelques pièces par des scouts.

Jean-Charles, commerçant, se dit déçu du fait que les obsèques se soient passées séparément. »

Une famille bruxelloise a tenu à faire le déplacement « pour mettre en avant le combat qu'il faut désormais mener chaque jour contre ceux qui menacent nos enfants.

Et malgré le discrédit dont chacun affuble la justice, Suzanne « refuse de céder à la tentation du tous pourris». Sans plus croire en la justice, le tandem Bourlet-Connerotte semble garder toute la confiance des citoyens.

Jean-François Leconte

 ______________________

RUBIE A CHANTÉ AUX FUNÉRAILLES D'AN

Une chanson écrite pour son papa disparu...

« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 2

HASSELT - « Un jour, je parlerai de toi. Avec des fleurs aux doigts. Avec mes mots à moi. Peut-être que là-haut tu m'entendras... » La jeune chanteuse liégeoise Martine Christiaens - Rubie pour le show biz - était très émue lorsqu'elle a chanté devant les parents d'An Marchal.

Contactée par les parents, la chanteuse a accepté immédiatement de participer à la cérémonie.

« Je suis chanteuse, la seule chose que je peux faire pour apporter mon soutien, c'est chanter. De plus, je suis francophone. Ma participation avait donc une valeur symbolique. Ça prouve que la peine n'a pas de frontière, surtout pas linguistique.

Rubie ne pensait pas que sa participation aux funérailles serait si pénible. « J'ai vraiment eu beaucoup de difficultés pour chanter. Je suis très contente d'avoir pu participer, mais mon émotion était incroyable. Se retrouver comme ça face aux parents, qui n'écoutent que vous... Je n'oublierai jamais.

Seulement 22 ans...

Âgée de 22 ans, Rubie avoue qu'elle se sent très proche d'An, qu'elle ne connaissait pas. « Je suis à peine plus âgée qu'elle et je ne peux m'empêcher de penser que j'aurais pu être à sa place... »

La chanson choisie par les parents avait, pour Rubie, un sens particulier. « J'ai écrit la chanson en 1993, suite à la disparition de mon papa. C'était donc une chanson tout à fait appropriée aux circonstances. »

Si Rubie n'a pas chanté aux funérailles de Julie et de Mélissa ou d'Eefje, c'est uniquement suite à des problèmes d'organisation. Mais elle est de tout cœur avec les familles de toutes les victimes. « Je compatis évidemment à la douleur de tous les parents. Ils mènent tous le même combat. Ils doivent savoir que je suis à leurs côtés. Avec mes mots à moi...

Nathalie Evrard

____________________

Aide de camps: Ils n'étaient pas en retard

« La Dernière Heure » du lundi 9 septembre 1996 page 2

HASSELT - Lors des cérémonies, le Roi s'est fait représenter par ses aides de camp. Le général-major Simons a assisté à la messe en l'église Notre-Dame des Pauvres alors que le colonel Van Keirsbilck suivait la cérémonie en la cathédrale Saint-Quentin.

Contrairement à ce qu'une partie du public pensait samedi,les deux aides de camp ne sont pas arrivés en retard... Le protocole veut que les représentants du Roi entrent en dernier lieu dans l'église, et en sortent les premiers.

Si l'arrivée du général-major Situons s'est déroulée discrètement, celle du colonel Van Keirsbilck a permis de voir d'autres aspects de ce protocole. Les prêtres ont quitté l'intérieur de l'église pour accueillir le représentant d'Albert Il. Les deux aides de camp ont également été raccompagnés vers la sortie par les célébrants.

B. F.

 

Free Web Counters
Free Counter